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Textes

Ce qui est là Éric Suchère 2022

Ici, une peinture dont la teinte se dégrade, de haut en bas, de rose vers orange. Là, une autre, vert pâle qui se sature de plus en plus. Ici, encore un bleu profond virant presque au noir. Là, encore un violet qui se pare d'une auréole ocre orangé, ou bien de vert sur les bords, ou d'une luminescence diffuse à peine perceptible. Ou : comment un bleu s'éclaire, devient brillance de la teinte...

Ici, une peinture dont la teinte se dégrade, de haut en bas, de rose vers orange. Là, une autre, vert pâle qui se sature de plus en plus. Ici, encore un bleu profond virant presque au noir. Là, encore un violet qui se pare d'une auréole ocre orangé, ou bien de vert sur les bords, ou d'une luminescence diffuse à peine perceptible. Ou : comment un bleu s'éclaire, devient brillance de la teinte de la manière la plus naturelle possible, comme si rien de l'avait provoqué, comme si cela émanait de la teinte elle-même. Les peintures de Gilles Teboul sont cela, ne sont que cela, des « purs ongles très haut dédiant leur onyx » : une couleur qui apparaît et se module sur une surface restreinte, cadrée, orthogonale dans une opposition entre la diffusion de la couleur qui provoque un espace non mesuré et la limite de l'objet tableau qui l'enferme et la cadre – « que dans l'oubli fermé par le cadre se fixe ». Le tableau est une limite dans l'illimité, parfois soulignée par une légère blancheur sur les bords, parfois une brillance. Ces tableaux ne questionnent pas – pour reprendre un stéréotype de la critique d'art et de la médiation –, pas plus qu'ils ne n'interrogent. Ils ne sont qu'une tonalité qui se diffuse, migre, absorbe la lumière, la renvoie, s'éteint ou irradie, se modifie en fonction de la lumière, s'affirme ou s'abolit. Ils ne sont que des fantasmagories colorées et luxueuses qui ne font apparaître que ce qu'elles sont.

Si la peinture déposée sur la toile est bien matérielle, le spectacle qu'elle offre nie en partie cette matérialité, comme la couleur apparaît immatérielle et nie la matière qui la porte. D'autant que la surface résineuse semble placer la couleur dans un espace trouble. La couleur nous semble, de loin, à la surface et, de près derrière une surface qui ne se laisse pas percevoir. La couleur est à la surface et derrière la surface, enfouie dans la profondeur de la matière mais sans que l'on puisse localiser où. Cette ambiguïté entre le fond et la surface donne la sensation que le fond remonte à la surface et que la surface s'engloutit en elle-même. La peinture, ainsi, met à distance le regard, crée une distance entre l'objet matériel que nous concevons – la toile – et le trouble de ce que nous percevons – la fantasmagorie. En ce sens, la peinture est à la fois objet et image, un réel et un irréel. Un objet coloré est là qui se dissout en lui-même et devient sa propre image.

Il ne s'agit pas de l'image d'une aurore boréale, d'un coucher de soleil ou de quelque spectacle naturel, ni même de son équivalent, et pas plus d'une transposition, mais d'une surface colorée qui est à la fois elle-même et crée sa propre image d'elle-même, ici et là, à la fois ici et pas là. Tout cela amplifié par la brillance de la surface – « ce lac dur oublié que hante sous le givre » – qui, tout en ajoutant une distance à la couleur vient refléter l'espace environnant, vous, moi, toute comme la peinture qui pourrait se trouver en face et accentue l'idée – perçue d'abord – de l'image comme reflet. La peinture de Gilles Teboul est un réel et un reflet, un réel et son reflet et l'on a beau regarder, l'on s'y mire autant que l'on s'y plonge, à la fois sur et dans. Elle est une utopie au sens littéral du terme, sans lieu, en l'absence de lieu – « Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne ».

L'objet se fait et se défait, sans cesse, dans l'acte de regarder, balançant continuellement entre ces deux états, pauvre objet de toile, de résine et de pigment et absolu de son annulation.
Ce que nous voyons renvoie, en cela, à la réalisation des œuvres. Gilles Teboul a conçu une chimie, un mélange de résine et de pigments qu'il verse sur une toile posée au sol, toile qu'il cale pour qu'elle soit le plus horizontale. Il faut attendre le lendemain pour que le mélange fasse apparaître la couleur et ses modulations et pour que la peinture – l'objet pictural – apparaisse au peintre. Même si un résultat est escompté, le mélange, la température, une légère déclivité... vont produire un effet qui n'est pas totalement prévisible – réussi ou non. Il y a un acte de déposition et un moment de révélation. La chose se dépose, matérielle, et se révèle à la fois matériellement. La couleur a fini par émerger et se fixer, est devenue surface et image. Elle est apparue et c'est ce à quoi nous assistons médusés et silencieux comme ce qui est là n'est pas nommable, est juste là.

Une peinture qui se révèle Itzhak Goldberg 2016

C'était probablement inévitable. Depuis longtemps, Gilles Teboul a annoncé qu'il cherchait à mettre à distance le geste du peintre, en procédant par retrait, par soustraction, par ce qu'il nommait le "non geste". En effaçant, en raclant une partie de la matière qui recouvrait ses toiles, il faisait remonter sur la surface le dessous de la peinture. Avec ses peintures récentes, il va jusqu'à...

C'était probablement inévitable. Depuis longtemps, Gilles Teboul a annoncé qu'il cherchait à mettre à distance le geste du peintre, en procédant par retrait, par soustraction, par ce qu'il nommait le "non geste". En effaçant, en raclant une partie de la matière qui recouvrait ses toiles, il faisait remonter sur la surface le dessous de la peinture.

Avec ses peintures récentes, il va jusqu'à abolir toute implication gestuelle de l'artiste dans la production. Les tableaux sont posés à plat en équilibre sur des cales. Teboul verse la peinture qui se répand sur la toile, sans qu'il intervienne dans son étalement. Ainsi, la part du créateur dans la fabrication est extrêmement réduite, et l'œuvre est presque donnée tout entière dans l'instant même de sa conception. L'artiste est en effet dépossédé de ses actions et mis à distance de ses réalisations. Autrement dit, l'acte physique de la peinture cède la place à un procédé où la couleur dans la plus pure tradition acheiropoïète se couche d'elle-même sur la toile. Ce terme grec, qui veut dire non fait de main d'homme, miraculeusement.
Miracle, car d'habitude, toute œuvre est un artefact dont on peut faire la genèse à travers l'étude des stades intermédiaires, des esquisses, des dessins préparatoires, de tout un travail trait par trait qui la désigne comme production humaine.
Or ici, c'est quand le liant acrylique opaque employé par Teboul est fixé définitivement que l'image surgit et se révèle, sans dévoiler les secrets de sa production.
Monochromes ? En apparence seulement, car l'œil, captivé, découvre toute la richesse des tonalités qui vibrent sous ces surfaces. Translucides, les toiles fonctionnent comme un miroir aquatique dans lequel le spectateur voit émerger son double.
Rassurons nous toutefois, Teboul n'est ni magicien, ni mystique. Peintre, il dévoile les coulisses de son travail avec une série photographique appelée Peinture, qu'il poursuit depuis plus de 15 ans. En "recyclant" son matériel usé, il le ressuscite, en quelque sorte. Les clichés de toiles emballées et pliées sont les preuves tangibles qu'un geste artistique, aussi réfléchi et distancié soit-il, prend toujours ses origines dans la matière.

Gravity Marc Henri Garcia 2018

Hybridation parfaite entre un miroir, un fond d'écran et une peinture post-minimale, la peinture de Gilles Teboul synthétise avec brio les avant-gardes tout en dégageant ce qu'il faut des effluves sensuelles du Pop et du Kitsch. Véritable bonbon acidulé pour l'oeil profane, l'historien des arts y verra certainement un héritier naturel de John McCracken, Dan Flavin ou encore Donald Judd.

Hybridation parfaite entre un miroir, un fond d'écran et une peinture post-minimale, la peinture de Gilles Teboul synthétise avec brio les avant-gardes tout en dégageant ce qu'il faut des effluves sensuelles du Pop et du Kitsch. Véritable bonbon acidulé pour l'oeil profane, l'historien des arts y verra certainement un héritier naturel de John McCracken, Dan Flavin ou encore Donald Judd.
S'éloignant légèrement des préoccupations de la bande de Marfa, Gilles évoque aussi bien les inventions du début du XXIème siècle en matière d'ergonomie informatique de Jonathan Ive, le célèbre designer d'Apple que celles de Francesco del Tintore concernant la nature morte et les codes de la Vanité au début du XVIIème siècle.
Ses images brillantes, carrossées, étalonnées comme des fonds d'écran OS X, dont les dégradés sensibles atténuent l'emploi des teintes fluorescentes, sont constituées de pigments liés par une résine acrylique dont le plasticien laisse imprégner la toile pendant de longues heures. Un système de cales permet à la gravité d'effectuer progressivement son oeuvre tandis que l'artiste, issu de la pratique photographique, attend patiemment l'instant T, celui de la révélation. En effet, Gilles Teboul revendique une réelle pratique d'atelier voire même de laboratoire, allant jusqu'à collaborer avec un ingénieur chimiste afin de développer sa technique si particulière.
Cette Empirie d'art est le fruit de plusieurs années de recherche, un travail qui nécessite une précision chirurgicale face à des contraintes physiques quasi indomptables.
Bien qu'inhérente à la Praxis, l'enjeu de cette nouvelle proposition du 5UN7 n'est pas la technique mais bel et bien la plasticité extrêmement généreuse de la peinture de Gilles Teboul. Les mots n'ont que trop peu de poids face au plaisir de l'oeil.

De la Peinture Itzhak Goldberg 2013

De nos jours, une chose reste plus difficile qu'écrire sur la peinture abstraite, c'est d'en faire. Ayant bouleversé le système de la représentation consacrée, la non-figuration, cette forme d'expérimentation qui traverse l'art du XXe siècle, semble depuis un certain temps à bout de souffle.Après d'innombrables déclinaisons possibles, lyrique ou géométrique, gestuelle ou biomorphique, empâtée...

De nos jours, une chose reste plus difficile qu'écrire sur la peinture abstraite, c'est d'en faire. Ayant bouleversé le système de la représentation consacrée, la non-figuration, cette forme d'expérimentation qui traverse l'art du XXe siècle, semble depuis un certain temps à bout de souffle.
Après d'innombrables déclinaisons possibles, lyrique ou géométrique, gestuelle ou biomorphique, empâtée ou minimaliste, l'abstraction est devenue souvent répétitive, décorative, maniérée, pour ne pas dire creuse. Parfois elle se contemple, s'inspecte. Parfois, elle s'autopsie.

Il faut donc une certaine dose de courage, d'inconscience même, pour choisir ce mode d'expression. Dans ce contexte, l'objectif de Gilles Teboul est moins d'instaurer un ordre esthétique nouveau, que de construire une œuvre personnelle, composée de variations dont le sujet reste toujours le dessous de la peinture. Sans avoir recours explicitement à la technique sérielle, l'artiste, peut-on dire, travaille de manière « verticale », cherchant non à s'étendre en surface, mais à aller en profondeur. Ses séquences ne deviennent jamais un but en soi, la démonstration d'un enchaînement cohérent, un puzzle dont toutes les pièces trouvent leur localisation précise.
Avec rigueur mais sans raideur, chaque toile traite à sa façon les problèmes du rapport entre la forme et le fond, le plein et le vide, l'opacité et la transparence – autant de problèmes d'une simplicité apparente, mais que la peinture affronte depuis toujours, source de son désespoir et de sa force. A l'âge du recyclage, des matériaux bruts malmenés par les artistes, des assemblages hétéroclites qui donnent parfois aux musées des allures de réserves, ici chaque tableau crée son espace propre et irradie un aura singulier. En toute logique, c'est l'effacement, cette manière de pénétrer dans la matière qui s'installe pendant longtemps au cœur de l'œuvre de Teboul. Travail par soustraction, où les effacements d'une partie de la matière noire qui recouvre les toiles font remonter les traces blanches sur la surface.
Peinture à rebours ? Dans ce strip-tease chromatique, les courbes et les volutes, à la fois trajectoire et processus, esquissent un dessin dans les allers et retours de la main, construisent un motif qui serpente. Déliées ou recomposées, ces ondulations ou ces trainées lumineuses, sont comme les lignes incertaines d'une cartographie mouvante et subjective. Pour reprendre une phrase de Jacques Dupin sur Giacometti : ce sont des traits «qui ne cernent rien, qui ne précisent rien, mais qui font surgir».

Avec les derniers travaux, l'approche se modifie légèrement, comme l'écrit, avec beaucoup de précision, Gilles Teboul : « Je superpose des couches (la dernière étant le gris) suivant des temps de séchage complexes et difficilement maîtrisables, puis je procède par retrait suivant un geste mécanique, mettant à distance le geste du peintre, par ce "non geste". La prise de risque est maximale, car je ne peux intervenir qu'une seule fois ». A la différence des « peintures noires et blanches », les « peintures grises » offrent peu de contrastes. De même, aux parcours des lignes qui cheminent sur les toiles comme des vecteurs de mouvement, se substitue un traitement plus unifié de l'ensemble.
Les surfaces sont recouvertes des formes géométriques ouvertes et tremblantes, d'un réseau de carreaux irréguliers, tels des mosaïques tronquées. Les couleurs, au lieu de demeurer captives entre les lignes, se mettent à flotter légèrement. Selon les rapports chromatiques, on croit observer une avancée ou un recul ou même l'illusion d'une saillie. Des poudroiements de lumière en gouttes, des touches noires et blanches forment des zones d'incertitude où l'autorité du regard cède la place au tâtonnement de l'œil.

L'expérimentation avec la peinture se poursuit avec des monochromes (gris argenté), mais des monochromes « contrariés ». En collant des bandes sur les bords de la toile, en fixant un cadre à la couleur, Teboul introduit une contrainte dans cette variante picturale que l'histoire de l'art a consacrée comme abstraction absolue, sans aucune limite. Quoi qu'il en soit, l'artiste interroge sans cesse sa relation aux matériaux, au mélange des couleurs, à leur application sur une toile, aux éclats de la lumière, bref au plaisir de cet acte tactile qu'a toujours proposé la peinture.

Cependant, l'outil principal employé par Teboul pour explorer la chair de la peinture, se situe ailleurs, dans la photographie. La photographie, ce médium à la surface lisse, pratiquement désincarnée, qui transforme la tactilité en visibilité, mais qui permet de révéler toutes les aspérités que contient la matière picturale, le moindre creux et le plus subtil relief. Cet effet est d'autant plus saisissant que l'artiste a fait le choix de photographier la matière comme à travers un microscope. Toutefois, il ne s'agit pas, comme on s'y attendrait, d'un détail d'une de ses œuvres, d'un zoom tel qu'on en voit souvent dans les livres d'art. Les matériaux de Teboul se situent de deux côtés du processus créatif : tantôt des outils de production usés et conservés (tubes, pots, gants, palettes), tantôt des croûtes et des opercules, miettes ramassés après le festin artistiques, rebuts délaissés, bref les reliefs de la cuisine picturale.

L'artiste affirme que, recadrant ces matériaux indispensables à la peinture dans son appareil photographique, il recrée une peinture.
Un geste résurrectionnel face aux prophéties qui ont annoncé maintes fois la mort de la peinture ? Dernier regard sur la peinture. En fait, il suffit d'un rien. Il suffit de caresser la couleur pour qu'elle dégage une vibration de sensualité discrète. Il suffit d'introduire des éclairs dans les intervalles entre les formes pour éviter toute rigidité. Bref, il suffit de peu de choses pour inventer une peinture qui respire.

Peinture en négatif Itzhak Goldberg 2011

Gilles Teboul parle d'effacement au sujet de ses tableaux récents. Rien de scandaleux, a priori. Depuis longtemps, la négation de la forme est un élément constitutif de la modernité. Il suffit d'évoquer le fameux exemple de Rauschenberg qui, dans un geste iconoclaste, efface un dessin de de Kooning.D'ailleurs, l'appellation non-figuration témoigne clairement que l'art contemporain est traversé...

Gilles Teboul parle d'effacement au sujet de ses tableaux récents. Rien de scandaleux, a priori. Depuis longtemps, la négation de la forme est un élément constitutif de la modernité. Il suffit d'évoquer le fameux exemple de Rauschenberg qui, dans un geste iconoclaste, efface un dessin de de Kooning.
D'ailleurs, l'appellation non-figuration témoigne clairement que l'art contemporain est traversé par un refus constant ; c'est le même de Kooning qui déclare au sujet des artistes de sa génération qu'ils passent moins de temps pour définir "ce qu'on pourrait peindre mais davantage ce qu'on ne pourrait pas peindre ». Souvent, les créateurs assument jusqu'à son point extrême le paradoxe consistant à faire de ce processus fondamentalement négateur la matrice même de leur production.

Mais, s'agit-il ici vraiment d'effacement ? Pas tout à fait, si l'on fait recours au dictionnaire qui définit cette activité comme visant à faire disparaître sans laisser de traces ce qui était marqué. Teboul, certes, en raclant efface la couche de la couleur qui recouvre la toile mais cette mise à nu fait naître simultanément des lignes serpentines qui sillonnent la surface. Autrement dit, les trajets blancs incrustés dans un fond noir ne sont pas tracés par la peinture tout en étant sa trace.
Peut on parler alors de réserves ? Ce procédé, qui a acquis ses lettres de noblesse avec Cézanne, consiste pour l'artiste à laisser apparaître le « dessous » de la peinture : la préparation ou la couche d'apprêt. Cependant, cette composante passive, en creux de l'œuvre se contente d'habitude d'une position modeste, comme en retrait. 

Ici, tout laisse à croire que Gilles Teboul opère un renversement des rôles ; en fabriquant la réserve de façon active, en creusant dans la peinture ou sous la peinture il en révèle une autre qui devient le véritable sujet de l'œuvre.

L'artiste sait sans doute que dans les dessins au lavis ou à l'aquarelle, les réserves correspondent aux parties claires de la composition, elles sont plus intenses que le blanc obtenu par le pigment. On dit alors réserver les lumières. En d'autres termes, chez Gilles Teboul, en remontant au premier plan, en se rendant visible, la réserve sort de sa réserve.

"Peinture" Pascal Payen-Appenzeller 2003

Gilles Teboul est peintre. Lorsqu'il photographie, il le fait en référence à la peinture, de manière métonymique. Comment ? En recyclant son matériel de peinture usé et mort : les gants, les fonds de pots, les croûtes, les opercules, les tubes et les palettes, accumulés et archivés depuis plus de dix ans. Gilles Teboul tente de relever le défi de la peinture, dont les institutions ont annoncé...

Gilles Teboul est peintre. Lorsqu'il photographie, il le fait en référence à la peinture, de manière métonymique. Comment ? En recyclant son matériel de peinture usé et mort : les gants, les fonds de pots, les croûtes, les opercules, les tubes et les palettes, accumulés et archivés depuis plus de dix ans. Gilles Teboul tente de relever le défi de la peinture, dont les institutions ont annoncé tant de fois la mort théorique. Recycler devient un processus de résistance et de renouvellement.
Cette série photographique a été appelée, avec une certaine ironie : " Peinture".
Avec ironie ? non, légitimement.

La peinture en résistance Sacha Tarassoff 2001

Gilles Teboul est de ceux qui tentent de relever le défi de la peinture, dont le siècle précédent a proclamé les différentes "morts" théoriques. En résistance avec les plus récentes tentatives de sa mise à l'écart, notamment institutionnelles, Gilles Teboul voudrait administrer la preuve picturale de la persistance de la peinture, de l'intérieur. Pour ce faire il cherche à en faire voir les...

Gilles Teboul est de ceux qui tentent de relever le défi de la peinture, dont le siècle précédent a proclamé les différentes "morts" théoriques. En résistance avec les plus récentes tentatives de sa mise à l'écart, notamment institutionnelles, Gilles Teboul voudrait administrer la preuve picturale de la persistance de la peinture, de l'intérieur.

Pour ce faire il cherche à en faire voir les états limite, sans concession : par passages horizontaux, autant de sillons répétés quasi mécaniquement dans l'épaisseur d'un mélange paradoxal de noir d'ivoire et de blanc de titane, autant de raclages, de soustractions de matières et de formes, ses grandes toiles ou ses papiers sont à la fois le résultat de cet effacement et le révélateur de cette limite où la peinture résiste : là où toute imagerie devenue absente, toute couleur neutralisée - usage exclusif des non couleurs -, tout geste supprimé, chaque tableau est un état aléatoire de la peinture en dé-construction.
Ces "instantanés" de la peinture ont une présence charnelle que Gilles Teboul, par ailleurs photographe, dénie à la photographie, laquelle, même lorsqu'elle se veut plasticienne, reste, selon lui, lisse, distante, aseptisée, prisonnière qu'elle est des limites de son propre support.

D'ailleurs lorsqu'il photographie, c'est à nouveau en référence à la peinture, de manière métonymique, mettant en scène ses outils de peintre dans des compositions abstraites inattendues (série exposée à la Galerie Bruno Delarue en 2000, et appelée, ironiquement, "Peinture").
Parce qu'elle mobilise tous les sens, la peinture de Gilles Teboul résiste, produisant dans ses effets une irréductible jouissance, même et surtout lorsqu'elle est poussée dans ses extrêmes, à la limite de sa propre destruction.